L'Héritage des Sorciers - Entretien avec les instructeurs de Tenségrité
Par Concha Labarta
Revue Mas Allas - Mai 2000
Il était le dernier nagual, le leader d'un groupe de voyants dont les racines remontent à une époque lointaine. Il a disparu "sans laisser de traces" aussi mystérieusement qu'il avait vécu, il y a aujourd'hui deux ans. Mais son rêve sorcier reste présent. En 1999 a été publié dans notre pays Le Voyage Définitif, ouvrage dans lequel Castaneda raconte des détails insolites tirés de ses expériences survenues après qu'il fut contaminé pour toujours par l'univers magique que don Juan Matus lui présenta durant treize annéss. A cette dernière œuvre s'ajoute aujourd'hui la réédition dans certains pays du livre qui lui apporta la reconnaissance : L'Herbe Du Diable Et La Petite Fumée, dans lequel on trouve un prologue inédit de l'auteur. Mais les nouvelles ne se terminent pas là. Les 9, 10 et 11 juin, Barcelone accueillera pour la troisième fois un séminaire de passes magiques, mouvements pratiqués par ces chamans depuis des temps immémoriaux pour accroître leur énergie. A cette occasion, le séminaire portera sur un des aspects les plus attirants de la connaissance de Castaneda : l'art de rêver et le développement du voyant intérieur, cette voix, ou ce sentiment, qui nous guide si nous nous maintenons suffisamment silencieux pour la percevoir.
LE DROIT D'ÊTRE LIBRE
Pourquoi Castaneda est-il toujours aussi fascinant?
"Nous pensons que cela est dû au fait que son oeuvre porte en elle le fait énergétique que les êtres humains sont des êtres de perception, des créatures de conscience magiques," affirme Nyei Murez, une de ses disciples. "Castaneda nous rapproche de la possibilité de vivre le fait que le monde que nous percevons dans notre vie quotidienne n'est qu'un parmi une infinité de mondes où nous pouvons, selon un droit naturel et inné accordé à chacun d'entre nous, naviguer et rêver."
Aerin Alexander, autre apprentie de Castaneda, connaît bien la soif de l'inconnu. "Le nagual nous disait que ce désir sans nom est un désir de rêver, de naviguer dans la mer de la conscience et pouvoir témoigner de l'immensité de l'infini, de traverser les barrières de la socialisation." Mais "réaliser une telle prouesse, ajoute Miles Reid, également étudiant du sorcier, requiert de la discipline."
Leur prochain séminaire à Barcelone traitera de cette mystérieuse voie que Carlos Castaneda appelle rêver.
Qu'est-ce que "rêver," et en quoi cela se différencie-t-il des rêves ordinaires?
Miles Reid : Pour les voyants, rêver est l'art d'utiliser les rêves ordinaires comme des entrées vers d'autres royaumes de perception. Les voyants du Mexique ancien qui découvrirent l'art de rêver, découvrirent que notre monde quotidien n'est qu'un parmi les nombreux mondes accessibles à notre perception, et que pour pénétrer ces mondes nous avons besoin d'énergie. Ils cherchèrent systématiquement où notre énergie se trouve dissipée, et ils découvrirent que la plus grande partie se trouve dépensée dans la présentation et la défense de l'idée du "moi". Réduire son importance personnelle leur permettait de gagner de l'énergie qui pouvait être utilisée pour accroître leur conscience.
Nyei Murez : Castaneda nous disait que rêver éveillé est une chose qui arrive quand nous ne nous permettons pas d'être les êtres que nous sommes d'ordinaire, et que nous abandonnons les schémas habituels de dominants / dominés. Si nous pouvons maintenir ce nouvel état, nous découvrons l'extraordinaire dans l'ordinaire et nous découvrons que le monde est rempli de mystère.
Récemment il a été dit que lorsqu' on choisit le chemin qui a du coeur, en s'investissant dans des choses pour lesquelles nous éprouvons de la passion, nous pouvons entrer dans ces états de rêver éveillé .
Aerin Alexander : Oui. Un navigateur augmente sa conscience en suivant un chemin qui a du coeur, le chemin de sa prédilection. Cela peut être la musique, la physique ou la médecine. Les possibilités sont infinies. Le nagual nous disait que vivre une romance avec la connaissance, quel que soit la forme avec laquelle cela se présente, est un moyen de rêver éveillé.
DE L'AMOUR ET AUTRES DEMONS
Ils sont nombreux ceux qui disent avoir expérimenté comment les Passes Magiques font tomber leurs anciens repères d'interprétation. Ils se sentent engagés dans le changement, mais ces changements exigent du temps, et les doutes surgissent…
Nyei Murez : Les étudiants de don Juan insistent sur le fait que le seul chemin possible pour un guerrier dans ce cas est d'agir de façon cohérente et sans réserve. C'est à cela que se réfèrent les voyants quand ils parlent du dessein inflexible d'un guerrier. Le guerrier arrive à un point où il en sait suffisamment à propos du chemin pour agir avec une résolution inflexible, mais ses vieilles habitudes peuvent l'empêcher de le faire.
Miles Reid : C'est une question d'énergie. Si notre niveau d'énergie est bas, il est plus facile de tomber dans les vieilles routines et de nous charger d'un sentiment de culpabilité. Le nagual nous répétait sans cesse que quand les guerriers tombent, ils ne restent pas là à se sentir coupables. Ils se lèvent instantanément et continuent leur chemin.
Qu’arrive t-il avec les sentiments? Est-ce que, par exemple, le fait d'être amoureux peut être un obstacle pour le guerrier?
Nyei Murez : Castaneda affirmait que d'énormes quantités de notre énergie sont gaspillées dans "la recherche de l'amour." A ceux d'entre nous qui étions "en manque d'amour", il suggérait : "Pourquoi ne tombes-tu pas amoureux de toi-même, puisque tu es la personne avec la quelle tu passes la majeure partie de ton temps ?" Il n'était pas en train de nous pousser au narcissisme, au contraire, il disait que nous ne nous occupons pas du tout de nous-mêmes, mais que nous cherchons une autre personne qui puisse s'occuper de nous, et nous aime inconditionnellement, "comme nous sommes."
Miles Reid : Si nous ne pouvons pas cesser de tomber amoureux, alors nous devons surveiller notre comportement lorsque nous nous trouvons dans cette situation. Ce n'est qu'en parvenant à arrêter d'imposer aux autres nos interminables attentes à propos de l’amour que nos interactions pourront se baser sur ce que les voyants appellent l'affection abstraite. L'affection du corps de rêve.
SEULS FACE A L'INFINI
A quoi vous référez-vous quand vous parlez de "rêver en groupe?" Castaneda soutenait que les guerriers ne font pas partie de groupes, qu'ils sont seuls face à l'infini…
Nyei Murez : C'est une contradiction seulement en apparence, selon le point de vue de la syntaxe ordinaire de notre langue. Le nagual nous expliquait que, pour les voyants, c'est un fait énergétique que chacun de nous est seul face à l'infini. Quand un voyant voit un être humain comme de l'énergie circulant dans l'univers, sans les interprétations de notre syntaxe et de notre éducation, il voit seulement une sphère lumineuse d'énergie, cela ne compte pas si cet être se trouve seul ou au milieu d'une foule.
Miles Reid : De même, il soutenait qu'il peut y avoir un grand nombre de guerriers qui regardent dans la même direction: vers l'infini. Les chamans de la lignée de don Juan ne pouvaient être témoins de l'effet de cette entreprise qu'en petits groupes, mais aujourd'hui un grand nombre de personnes, au travers des séminaires, des livres ou des vidéos de passes magiques sont en train d'activer leur lien avec l'intention de la liberté de perception. Et cela crée quelque chose que Castaneda appelait un nouveau "consensus de perception."
Aerin Alexander : Considérant que le monde quotidien est un accord de perception, il nous faisait la proposition suivante : pourquoi ne pas nous accorder sur le fait que nous pouvons naviguer, que nous pouvons rêver?
Il y a beaucoup de spéculations sur le rôle des trois compagnes de Castaneda, Donner-Grau, Abelar et Tiggs, dans cette entreprise et le motif pour lequel elles ne sont pas présentes dans les séminaires.
Aerin Alexander : Actuellement, les disciples de don Juan nous guident. Leur absence apparente est une décision de voyant basée sur l'affection abstraite pour les praticiens des passes magiques. Elles savent que si elles se présentaient en public, immédiatement, nous nous sentirions liés à elles.
Nyei Murez : Elles veulent que nous comprenions ce que le nagual nous a dit tant de fois : notre lien est avec l'intention, avec le coté actif de l'infini, et chacun de nous porte à l'intérieur la capacité d'activer son rêve.
Propos recueillis par Concha Labarta.
Publié dans Mas Allas, Mai 2000
Par Concha Labarta
Revue Mas Allas - Mai 2000
Il était le dernier nagual, le leader d'un groupe de voyants dont les racines remontent à une époque lointaine. Il a disparu "sans laisser de traces" aussi mystérieusement qu'il avait vécu, il y a aujourd'hui deux ans. Mais son rêve sorcier reste présent. En 1999 a été publié dans notre pays Le Voyage Définitif, ouvrage dans lequel Castaneda raconte des détails insolites tirés de ses expériences survenues après qu'il fut contaminé pour toujours par l'univers magique que don Juan Matus lui présenta durant treize annéss. A cette dernière œuvre s'ajoute aujourd'hui la réédition dans certains pays du livre qui lui apporta la reconnaissance : L'Herbe Du Diable Et La Petite Fumée, dans lequel on trouve un prologue inédit de l'auteur. Mais les nouvelles ne se terminent pas là. Les 9, 10 et 11 juin, Barcelone accueillera pour la troisième fois un séminaire de passes magiques, mouvements pratiqués par ces chamans depuis des temps immémoriaux pour accroître leur énergie. A cette occasion, le séminaire portera sur un des aspects les plus attirants de la connaissance de Castaneda : l'art de rêver et le développement du voyant intérieur, cette voix, ou ce sentiment, qui nous guide si nous nous maintenons suffisamment silencieux pour la percevoir.
LE DROIT D'ÊTRE LIBRE
Pourquoi Castaneda est-il toujours aussi fascinant?
"Nous pensons que cela est dû au fait que son oeuvre porte en elle le fait énergétique que les êtres humains sont des êtres de perception, des créatures de conscience magiques," affirme Nyei Murez, une de ses disciples. "Castaneda nous rapproche de la possibilité de vivre le fait que le monde que nous percevons dans notre vie quotidienne n'est qu'un parmi une infinité de mondes où nous pouvons, selon un droit naturel et inné accordé à chacun d'entre nous, naviguer et rêver."
Aerin Alexander, autre apprentie de Castaneda, connaît bien la soif de l'inconnu. "Le nagual nous disait que ce désir sans nom est un désir de rêver, de naviguer dans la mer de la conscience et pouvoir témoigner de l'immensité de l'infini, de traverser les barrières de la socialisation." Mais "réaliser une telle prouesse, ajoute Miles Reid, également étudiant du sorcier, requiert de la discipline."
Leur prochain séminaire à Barcelone traitera de cette mystérieuse voie que Carlos Castaneda appelle rêver.
Qu'est-ce que "rêver," et en quoi cela se différencie-t-il des rêves ordinaires?
Miles Reid : Pour les voyants, rêver est l'art d'utiliser les rêves ordinaires comme des entrées vers d'autres royaumes de perception. Les voyants du Mexique ancien qui découvrirent l'art de rêver, découvrirent que notre monde quotidien n'est qu'un parmi les nombreux mondes accessibles à notre perception, et que pour pénétrer ces mondes nous avons besoin d'énergie. Ils cherchèrent systématiquement où notre énergie se trouve dissipée, et ils découvrirent que la plus grande partie se trouve dépensée dans la présentation et la défense de l'idée du "moi". Réduire son importance personnelle leur permettait de gagner de l'énergie qui pouvait être utilisée pour accroître leur conscience.
Nyei Murez : Castaneda nous disait que rêver éveillé est une chose qui arrive quand nous ne nous permettons pas d'être les êtres que nous sommes d'ordinaire, et que nous abandonnons les schémas habituels de dominants / dominés. Si nous pouvons maintenir ce nouvel état, nous découvrons l'extraordinaire dans l'ordinaire et nous découvrons que le monde est rempli de mystère.
Récemment il a été dit que lorsqu' on choisit le chemin qui a du coeur, en s'investissant dans des choses pour lesquelles nous éprouvons de la passion, nous pouvons entrer dans ces états de rêver éveillé .
Aerin Alexander : Oui. Un navigateur augmente sa conscience en suivant un chemin qui a du coeur, le chemin de sa prédilection. Cela peut être la musique, la physique ou la médecine. Les possibilités sont infinies. Le nagual nous disait que vivre une romance avec la connaissance, quel que soit la forme avec laquelle cela se présente, est un moyen de rêver éveillé.
DE L'AMOUR ET AUTRES DEMONS
Ils sont nombreux ceux qui disent avoir expérimenté comment les Passes Magiques font tomber leurs anciens repères d'interprétation. Ils se sentent engagés dans le changement, mais ces changements exigent du temps, et les doutes surgissent…
Nyei Murez : Les étudiants de don Juan insistent sur le fait que le seul chemin possible pour un guerrier dans ce cas est d'agir de façon cohérente et sans réserve. C'est à cela que se réfèrent les voyants quand ils parlent du dessein inflexible d'un guerrier. Le guerrier arrive à un point où il en sait suffisamment à propos du chemin pour agir avec une résolution inflexible, mais ses vieilles habitudes peuvent l'empêcher de le faire.
Miles Reid : C'est une question d'énergie. Si notre niveau d'énergie est bas, il est plus facile de tomber dans les vieilles routines et de nous charger d'un sentiment de culpabilité. Le nagual nous répétait sans cesse que quand les guerriers tombent, ils ne restent pas là à se sentir coupables. Ils se lèvent instantanément et continuent leur chemin.
Qu’arrive t-il avec les sentiments? Est-ce que, par exemple, le fait d'être amoureux peut être un obstacle pour le guerrier?
Nyei Murez : Castaneda affirmait que d'énormes quantités de notre énergie sont gaspillées dans "la recherche de l'amour." A ceux d'entre nous qui étions "en manque d'amour", il suggérait : "Pourquoi ne tombes-tu pas amoureux de toi-même, puisque tu es la personne avec la quelle tu passes la majeure partie de ton temps ?" Il n'était pas en train de nous pousser au narcissisme, au contraire, il disait que nous ne nous occupons pas du tout de nous-mêmes, mais que nous cherchons une autre personne qui puisse s'occuper de nous, et nous aime inconditionnellement, "comme nous sommes."
Miles Reid : Si nous ne pouvons pas cesser de tomber amoureux, alors nous devons surveiller notre comportement lorsque nous nous trouvons dans cette situation. Ce n'est qu'en parvenant à arrêter d'imposer aux autres nos interminables attentes à propos de l’amour que nos interactions pourront se baser sur ce que les voyants appellent l'affection abstraite. L'affection du corps de rêve.
SEULS FACE A L'INFINI
A quoi vous référez-vous quand vous parlez de "rêver en groupe?" Castaneda soutenait que les guerriers ne font pas partie de groupes, qu'ils sont seuls face à l'infini…
Nyei Murez : C'est une contradiction seulement en apparence, selon le point de vue de la syntaxe ordinaire de notre langue. Le nagual nous expliquait que, pour les voyants, c'est un fait énergétique que chacun de nous est seul face à l'infini. Quand un voyant voit un être humain comme de l'énergie circulant dans l'univers, sans les interprétations de notre syntaxe et de notre éducation, il voit seulement une sphère lumineuse d'énergie, cela ne compte pas si cet être se trouve seul ou au milieu d'une foule.
Miles Reid : De même, il soutenait qu'il peut y avoir un grand nombre de guerriers qui regardent dans la même direction: vers l'infini. Les chamans de la lignée de don Juan ne pouvaient être témoins de l'effet de cette entreprise qu'en petits groupes, mais aujourd'hui un grand nombre de personnes, au travers des séminaires, des livres ou des vidéos de passes magiques sont en train d'activer leur lien avec l'intention de la liberté de perception. Et cela crée quelque chose que Castaneda appelait un nouveau "consensus de perception."
Aerin Alexander : Considérant que le monde quotidien est un accord de perception, il nous faisait la proposition suivante : pourquoi ne pas nous accorder sur le fait que nous pouvons naviguer, que nous pouvons rêver?
Il y a beaucoup de spéculations sur le rôle des trois compagnes de Castaneda, Donner-Grau, Abelar et Tiggs, dans cette entreprise et le motif pour lequel elles ne sont pas présentes dans les séminaires.
Aerin Alexander : Actuellement, les disciples de don Juan nous guident. Leur absence apparente est une décision de voyant basée sur l'affection abstraite pour les praticiens des passes magiques. Elles savent que si elles se présentaient en public, immédiatement, nous nous sentirions liés à elles.
Nyei Murez : Elles veulent que nous comprenions ce que le nagual nous a dit tant de fois : notre lien est avec l'intention, avec le coté actif de l'infini, et chacun de nous porte à l'intérieur la capacité d'activer son rêve.
Propos recueillis par Concha Labarta.
Publié dans Mas Allas, Mai 2000